vendredi 5 juin 2015

Shatter me

Je vous le disais dans mon tout premier billet... j'ai deux autres filles. Une aînée née en 1994 et une petite dernière née en 1999. Moune est au milieu.

J'ai toujours voulu trois enfants. Il y a plein de choses comme ça, que je m'étais promises de réaliser... comme si c'était mon idéal, ma marche à suivre. Et que rien ne devait contrecarrer mes plans. C'est probablement à cause de mon enfance que j'ai cette fâcheuse tendance à me fixer des buts à atteindre. Mais ce n'est pas le sujet de ce blog.
Disons que je suis têtue et que je n'aime pas renoncer.

J'ai donc eu une première grossesse que je peux qualifier de merveilleuse. Tout s'est bien passé. Ma fille aînée est arrivée 15 jours avant terme. Elle était jolie comme un coeur. Elle a poussé comme un champignon et était un rayon de soleil. Ce qui fait qu'un an et demi plus tard, on a mis en route la deuxième.

La deuxième, c'est Moune... elle est née 3 mois avant terme. Rien ne s'est bien passé. Un hématome à 6 semaines de grossesse. Une fatigue chronique. L'impression d'avoir une boule de pétanque qui pèse sur le pubis, tout le temps. Un mal de reins persistant. Un herpès à l'oeil à 4 mois de grossesse. Un mariage en province qui m'oblige à faire de la route et m'épuise complètement, toujours à 4 mois de grossesse... suivi d'un week-end à Londres... et bien sûr, pas d'arrêt de travail. J'étais encore au guichet du bureau de poste où je bossais le jour où on m'a hospitalisée pour col ouvert... et contractions... enceinte de 5 mois et trois semaines.

J'ai eu un accouchement traumatisant...
J'ai eu des recommandations de ne pas avoir d'autres enfants, ne sachant pas à quoi attribuer cette grande prématurité... il valait mieux... ne pas tenter le diable... être raisonnable...
J'ai du mal avec la fatalité. Ca m'énerve.
En plus, je suis impulsive, je fonce et je réfléchis après. Heureusement, je suis intuitive aussi. Mais ça, ce sont les autres qui me le disent quand je leur prévois des petits trucs insignifiants qui finissent par arriver...
Donc j'ai suivi mon intuition.
J'ai toujours su que j'allais avoir trois filles. Je l'avais dit à ma mamie quand j'étais ado. J'avais même collé un poster d'Anne Geddes représentant trois fillettes dans une baignoire en émail... sur mon mur de chambre tout bleu... juste au dessus du portrait de Kate Bush dans son clip Running up that hill... il m'a même suivi dans mon premier appartement. Il était placé dans l'entrée, au dessus de la cage de mes chinchillas... il y est resté jusqu'à la naissance de ma petite dernière...

Ma troisième grossesse fut très surveillée et j'ai arrêté mon travail d'assistante maternelle au bout du premier trimestre. J'avais passé mon agrément quand Moune avait deux ans, jugeant préférable de rester à la maison pour l'élever. Et tenant compte qu'il fallait mettre du beurre dans les épinards... malgré tout. On m'a conseillé le repos total. J'ai pris conscience que je devais préserver mon futur bébé au maximum mais nous vivions sur Paris, mon mari et moi, sans nos proches autour de nous. J'avais deux filles de 4 et 2 ans. Moune ne marchait toujours pas et piquait des colères noires malgré sa grande douceur apparente. Je devais tout gérer. J'avais pris ça très à coeur ayant pris la décision d'avoir un autre enfant malgré les risques annoncés...
Et j'ai géré... Ma petite dernière est née deux semaines avant terme, le matin du réveillon de Noël 1999.
En y repensant, et en connaissant la personnalité de ma troisième fille, elle a forçément mis son grain de sel pour que tout se passe bien. Ce n'est pas possible autrement. Elle a clairement tout fait pour se faire petite dans mon ventre, et me laisser tranquille. Elle est comme ça Zoé. Elle veut rendre les gens heureux, tout le temps. C'est une amoureuse de la vie, une optimiste à toute épreuve. C'est aussi un volcan. Qui explose mais vous enveloppe juste après d'une étreinte chaleureuse pour vous dire qu'elle s'excuse... qu'elle espère que vous allez bien...

Zoé est arrivée dans la vie de Moune quand celle-ci avait trois ans et trois mois...
Il y avait eu l'entrée à l'école maternelle pour Moune... je ne l'y mettais que le matin. J'avais repris un congé parental et ne prévoyais de reprendre mon travail de nounou que quand Zoé serait scolarisée. J'avais besoin de temps pour comprendre ce que l'institutrice de petite section me répétait à chaque fois que j'arrivais à l'entrée de sa classe... Moune était assise au fond, sur un banc, isolée des autres... ses deux petits mains nouées devant sa bouche comme pour se protéger, se cacher... Elle m'attendait en regardant le plafond, le bout de ses pieds... et quand elle entendait ma voix au loin, elle affichait un soulagement, une délivrance, qui me crevaient le coeur... elle se levait maladroitement et arrivait sur la pointe des pieds... elle ne me faisait jamais de gros calins, mais elle enfouissait sa tête dans mes jambes comme pour disparaître sous ma jupe... l'institutrice commençait alors son éternel refrain : "Elle ne veut pas se mélanger aux autres... elle est lente... elle ne répond pas aux consignes... elle semble ailleurs... ce n'est pas normal... je suis inquiète... vous avez pensé à l'autisme? je suis sûre qu'elle l'est..."
Je rentrais fracassée. Des fois des larmes coulaient sur mes joues alors que revenais à la maison, accrochée à ma poussette...
Je ne connaissais pas l'autisme.
Du moins pas assez.
Je n'avais vu que Rain Man.
J'avais un ressenti, un pressentiment.
Mais je n'avais pas assez de connaissance médicale sur le sujet pour l'envisager.

En tout cas, Zoé est arrivée à un moment difficile de ma vie. Où ce terrible mot a commencé à prendre tout son sens...
Autisme...
Je commençais à douter que tout cela soit dû à de simples séquelles motrices de grande prématurité.
J'ai recherché Autisme sur internet... j'ai douté... je n'avais pas pensé au syndrôme d'Asperger...
Quelques mois plus tard, je suis tombée sur une émission de Jean-Luc Delarue qui passait le mercredi soir... c'était un débat, ça s'appelait "Ca se discute" je crois... il y avait un jeune homme Asperger sur le plateau... qui était obsédé par les trains...
Ce soir-là, j'ai su. J'ai tout compris. J'ai pleuré en silence. De soulagement et de trouille à la fois.
J'ai tremblé en montant me coucher, j'ai mal dormi. Je n'ai parlé de ce sentiment d'avoir trouvé ce dont souffrait Moune que le lendemain à mon mari...
Il était réceptif, mais pas convaincu autant que moi...
Appelons-ça de la prudence... de la raison...
Toujours est-il que Zoé a passé sa première année de vie à me regarder tournoyer dans tous les sens entre sa soeur aînée, Julie, qui nous maternait tous et continuait de nous faire rire avec ses pitreries... et Moune qui vivait mal sa scolarité et semblait développer des angoisses bizarres...
Zoé a été sage comme une image. Un bébé facile, heureux, dormeur.
Elle nous scrutait tous et nous souriait sans cesse.
Elle a continué à grandir en développant cette bienveillance et est devenue très proche de Moune.
Elle a partagé sa chambre.
Elle a joué avec elle.
Elle ne l'a jamais brusquée.
Elle réussissait à l'aimer sans avoir besoin de l'étouffer, comme j'avais tendance à le faire, et Moune a pris confiance en Zoé. Plus qu'en personne d'autre.
Zoé a toujours encouragé Moune. Et quand une réaction de rejet, de panique, envahissait Moune, Zoé ne se braquait pas. Et réussissait même à passer à autre chose pour contourner la crise de sa soeur... et l'apaiser...
Zoé n'a jamais voulu accordé de traitement de faveur à Moune...  elle fut autant surprise que sa soeur quand elle a appris le diagnostic de syndrôme d'asperger, il y a trois ans... comme si ça ne pouvait pas être possible... comme si Moune était juste différente mais pas autiste pour autant...
Nous le savions avec mon mari, que c'était de l'autisme. Depuis des années. Mais aucun médecin n'avait voulu le mettre noir sur blanc dans son dossier pour ne pas empêcher la poursuite de la scolarité de Moune en milieu ordinaire... donc nous n'en parlions pas vraiment à la maison. Notre fille aînée savait probablement. Mais elle était tellement investie dans son rôle de pilier familial, de grande fille gentille et attentionnée... qu'elle ne voulait pas nous donner de soucis supplémentaires en abordant le sujet... elle nous voyait tellement accaparés par Moune...(je parlerai davantage de Julie dans un autre billet...)
Zoé a été et est toujours la meilleure amie de Moune.
C'est presque fusionnel.
Zoé a incontestablement permis à Moune de bluffer dans son quotidien hors de la maison... de brouiller les pistes... tellement elle lui a appris à jouer la normalité...
Moune est une jeune fille Asperger mais elle a un niveau de sociabilité relativement élevé par rapport à certains aspis...
Elle pratique l'humour...
Elle n'aime pas être seule à la maison... notre présence la rassure...
Elle aime ses proches et elle nous le montre...
Zoé ne sait pas comment elle a fait ça... pourquoi elle s'est toujours comportée comme ça avec Moune... quand on lui dit qu'elle a un don pour ça, pour aller vers les autres et savoir comment se comporter avec eux... les faire se sentir bien... elle rigole... elle dit qu'elle n'a rien fait d'extraordinaire...
Pourtant, c'est le cas.

Lindsey Stirling est l'une des interprètes préférées de Zoé. Cette entête lui est dédicacée...
                               

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