mercredi 16 novembre 2016

Don't give up


Je ne suis pas de nature à abandonner. Je tombe très bas, en fait. Je touche le fond, comme on a coutume de dire. Mais généralement je donne un coup de talon et je remonte à la surface. Sans doute un peu plus amochée qu'avant. Il faut bien être honnête. Mais je remonte.
J'ai appris ça très jeune. Mon enfance, mon contexte familial, m'y ont obligée...(j'ai déjà tout raconté dans un autre blog que j'ai fermé il y a cinq ans. Je ne vais donc pas recommencer ici. Ce n'est pas le but. Ni le sujet.) C'est juste que mon côté fataliste me pousse à dire que sans cette enfance, je n'aurais pas la rage et la détermination que j'ai aujourd'hui.

Des creux de la vague, en tant que maman d'enfant autiste, j'en ai eux. Plein. Surtout au début. Quand j'ai su au fond de moi que Moune était différente de sa soeur aînée. Je passais des journées déroutantes, où Moune semblait perturbée par des choses insignifiantes du quotidien. Puis des journées normales. Probablement parce que Moune avait apprivoisé la petite chose insignifiante contre laquelle elle avait buté la veille mais qu'elle allait affronter desormais puisqu'elle lui était familière. Du coup je ne savais pas si je me faisais des idées. Ou si j'avais bel et bien une petite fille avec un mode opératoire différent. J'ai oscillé entre suspicion et déni. Des années. C'était fatigant. Je me sentais très seule. J'étais en congé parental. J'avais tout le temps d'analyser les choses. De les empirer. Ou de les atténuer.
J'étais perdue. On me demandait tout le temps si j'étais fatiguée.
Mais je sais aujourd'hui que les journées où je pensais me faire des idées, c'était juste pour avoir un répit. Un break. Une respiration.
Bien sûr, le déni, il est facile à mettre en place tant que personne ne vous contredit. Mais très vite, il vous échappe. Vous vivez des choses bizarres, vous vous prenez la tête à l'heure du repas pour une histoire de gobelet vert alors qu'habituellement c'est dans le jaune que vous mettez de l'eau... vous allez dans un magasin blindé de monde pour y prendre vite fait du lait pour le petit dej après la sortie scolaire de l'aînée, et vous déclenchez une crise de nerfs de votre demoiselle alors qu'elle a déjà mis les pieds dans ce magasin régulièrement... vous entendez les gens autour dire que ça manque d'autorité... que cette demoiselle finira cantatrice vu le "coffre" qu'elle a. Au début vous faites plaisir aux râleurs, vous sermonnez la plaintive qui hurle dans les rayons... mais vous voyez à son regard de bête effarouché que ce n'est ni du caprice, ni votre manque d'autorité dont il s'agit. C'est juste qu'elle ne va pas bien. Qu'il faut la sortir de là. Et vite.
Et vous rentrez dévastée.
Par le jugement des gens.
Et par la réaction démesurée de votre fille.
Et le temps passe.
Et sans vous en rendre compte, vous adoptez un mode de vie.
Vous savez ce qu'il faut éviter de faire pour enclencher une "crise" de panique. Vous vous adaptez. Vous savez que si c'est en mettant le verre jaune que le repas se passera bien, Il faut en prévoir trois exemplaires pour qu'il passe au lave vaisselle. Pour faire un roulement.
Vous faites vos courses aux heures de pointe que si elle peut rester au calme à la maison avec papa.
Vous ne la brusquez pas. Vous ne la grondez pas.
Puisque ça ne sert à rien. Ca aggrave les choses. Et ça vous met une boule dans le ventre de la voir se mettre dans de tels états. Tout le temps.
Vous vivez avec des petits rituels rassurants.
Vous en tirez même un bénéfice pour toute la famille. Vous êtes plus rigoureuse. Et finalement, la vie est drôlement bien quand elle est maîtrisée.
Le souci, c'est juste quand vous partez de chez vous pour aller chez papy et mamie, en vacances.... là vous avez envie de lâcher prise. De manger plus tard et dans des lieux bruyants. De visiter des endroits touristiques. De sauter dans les vagues.
Et votre fille semble déboussolée. fatiguée. Chouineuse. Elle a peur des vagues... du sable dans ses pieds... du parasol qui bouge avec le vent quand vous êtes en terrasse d'un restaurant.... du chien qui la frôle dans une rue piétonne touristique.
Bref, elle ne peut pas lâcher prise comme vous et vous en parlez le soir sur l'oreiller avec votre mari. Inquiète. La larme à l'oeil.
Et vous ne savez pas ce qui se passe.
La vie continue.
Les rigidités se consolident.
Vous essayez d'en parler avec elle.
Mais le dialogue est compliqué. Elle ne comprend pas ce que vous lui voulez.
Alors un jour, vous vous dites que vous allez tout codifier. Tout expliquer. Tout planifier. Avec des mots simples. Avec des outils pratiques de la vie quotidienne.
Vous lui donnez la veille au soir le planning pour la journée du lendemain. Verbalement.
Vous adaptez ce planning à sa fatigue, à ce qu'elle peut endurer.
En gros vous ne programmez pas le même jour la plage, le resto en terrasse et la ballade dans la rue piétonne avec les chiens qui vous lèchent la main en passant...
Vous répartissez.
Vous voyez qu'elle gère mieux.
Vous la laissez faire les activités qu'elle affectionne. Même si elles sont répétitives et généralement solitaires. Vous voyez qu'elle est excellente en jeux vidéos. Vous êtes vigilants mais vous acceptez cette prédisposition envahissante. Juste parce qu'elle prend confiance en elle. Et juste parce qu'elle va mieux.
Vous devez jongler avec le jugement des autres, de la famille.
Vous êtes complices avec votre conjoint. Vous faites bloc.
Si elle se lève de table parce qu'elle en a envie (en fait le bruit des conversations et la longueur du repas sont un calvaire pour elle)... et que ça passe pour de l'impolitesse, vous laissez faire et prenez les réflexions à sa place. Vous pouvez. Vous êtes blindés...
Car elle va mieux. Elle souffle là-bas au fond dans une chambre à lire une BD. Et ça, c'est ce qui compte le plus pour vous.
Vous avancez, comme ça. Heureux dans votre bulle familial... mais malmené par les autres en dehors de chez vous...
C'est le deal.
C'est la clé de tout.
Ce n'est pas facile.
Il y aura des hauts et des bas.
Des ras le bol.
Des coups de gueule.
Mais ça vaut le coup.

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